En décembre 2008, le gouvernement a débloqué 10,5 milliards d'euros au profit de six grandes banques françaises. Alors que l'Etat, dans des pays comme l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, est entré dans le capital des banques ou leur conseil d'administration, et que dans ces pays, les banquiers ont mis fin au versement de dividendes, chez nous, l'aide publique a été accordée sans contre-partie.
Le 21 janvier dernier, un deuxième versement de 10 milliards d'euros a été annoncé, sans plus de contraintes pour les banques qui en bénéficieront.
L'inconditionnalité de ces aides pose plusieurs questions. La première est que la plupart des banques françaises ont dégagé des bénéfices en 2008: l'incompréhension des Français est donc légitime. La deuxième est que ces aides sont supposées faciliter l'accès au crédit: les ménages modestes en attente d'un prêt ou les petites entreprises en difficulté de paiement témoignent chaque jour que tel n'est pas le cas. La troisième est que les dividendes versés en 2007 par trois grandes banques à leurs actionnaires s'élèvent à 10,5 milliards d'euros: c'est l'exact équivalent du premier plan qui leur a été consacré.
Ce qu'un salarié payé au Smic gagne en une vie de travail, certains bénéficiaires de ces bonus le perçoivent en un seul versement. La manne que les banquiers qualifient pudiquement de " part variable des rémunérations " représente jusqu'à 60% voire 80% de leur salaire annuel! Pourtant, lorsque les députés socialistes demandent à l'Etat français d'exiger des contreparties à la distribution de fonds publics au secteur bancaire, le Premier ministre s'étrangle et nous accuse de vouloir " nationaliser " les banques au nom d'une " position idéologique ".
S'il y a une dérive " idéologique " dans le sens péjoratif où François Fillon l'entend, c'est à dire celui d'un certain dogmatisme, c'est bien le gouvernement qui s'y abandonne, en refusant de réorienter sa politique économique. En ces temps de crise, mieux vaut être banquier que salarié, mieux vaut être actionnaire qu'intérimaire.