« Quand la mer monte » ou la peur de « l’eau de l’Aa »
Les Wateringues … La croisade de Jean Schepman.
Pour le commun des mortels … nordistes ( !), les « Wateringues » c’est une taxe qu’on paie sans toujours comprendre sa finalité. Preuve d’un manque d’intérêt du contribuable ? ou signe d’une communication insuffisante de la part des responsables ?
Sans doute un peu des deux. Cependant l’actualité récente – le désengagement de l’Etat, conjugué aux prévisions alarmistes sur l’élévation du niveau de la mer – a donné un coup de projecteur sur une des plus vieilles institutions de notre pays.
D’une manière très simpliste, on peut considérer que le territoire géré par les « Wateringues » – triangle très approximatif « Dunkerque – Calais – Saint-Omer » – est une grosse « éponge » dont les eaux proviennent des watergangs, de la mer et du ciel. L’équilibre est très fragile. Un exemple : une crue décennale génère un débit de 140 m 3/s, or l’ensemble des stations de pompage de Calais à Dunkerque ne permet de traiter que 120 m3/s. Autre exemple : une rupture dans une digue peut provoquer des inondations importantes comme en 1953 ; cette année là, on a déploré 1800 morts en Hollande !
De Philippe d’Alsace à Jean Schepman, 840 années d’histoire nous contemplent !
C’est en 1169 que Philippe d’Alsace, comte de Flandre, crée les « water rings » (mot à mot, les « cercles d’eau ») pour planifier et unifier les opérations d’assèchement initiées deux siècles plus tôt par trois moines : Saint-Omer, Saint-Eloi et Saint-Vinoc. Auparavant, le vaste delta de l’Aa rebutait les envahisseurs romains angoissés par cet environnement marécageux hostile.
840 années plus tard, les successeurs de Philippe d’Alsace, Jean Schepman, le président et conseiller général, et Philippe Parent son directeur, ont pris leur bâton de pèlerins pour alerter leurs auditoires sur l’imminence des périls. Récemment ils présentaient le fonctionnement et les difficultés de l’Institut Interdépartemental des Wateringues (l’IIW*) à un aréopage composé d’élus et de techniciens. Les soixante dix personnes présentes, invitées par la société Ingéo dans ses nouveaux locaux, ont écouté avec une attention palpable les exposés des deux orateurs.
Jean Schepman a développé l’aspect politique d’une organisation bi-départementale qui regroupe sur 85 000ha (850km²), 92 communes réparties en treize sections**
Il a tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme car la pérennité de l’IIW n’est plus assurée dans l’état actuel des choses : des ressources financières très insuffisantes et le danger écologique très présent. En effet, il est admis par tous les scientifiques du GIEC que le niveau des mers montera de cinquante centimètres avant 2050. Les Pays-Bas, pour anticiper cette sombre perspective, ont lancé le plan « Delta 2 » qui prévoit un milliard 200 millions d’euros d’investissements par an
(1 200 millions €) … alors que l’IIW cherche à financer 1 million d’euros pour parer au plus pressé, en l’occurrence les travaux sur l’écluse Tixier de Dunkerque.
M. Schepman a dénoncé le fait que certains responsables envisagent sans sourciller l’inondation de territoires de faible altimétrie, par mesure d’économie ! Retrouvera-t-on à la fin du 21e siècle la situation qui prévalait dans la région nord, au quatrième siècle avec Saint-Omer redevenu port maritime ?
Philippe Parent a captivé l’assistance par une présentation exhaustive du fonctionnement des sections, des différents systèmes d’évacuation des eaux continentales vers la mer (évacuation gravitaire, pompage, relèvement, refoulement, siphon, …), de l’entretien des ouvrages disposés sur l’ensemble du territoire et tout au long des 2500km de watergangs : écluses, stations de pompage (vis d’Archimède) et de refoulement …
C’est évident, l’ensemble des participants a pris conscience de l’acuité, ou plus exactement de la gravité de la situation.
SAGE et Wateringues, même combat.
Parmi l’assistance il y avait, outre M. Schepman pour le SAGE de l’Yser, les présidents des SAGE de l’Aa (Christian Denis), de la Lys (Jean-Claude Dissaux) et du delta de l’Aa (Louardi Boughedada). La problématique « eau » va bien au-delà du territoire de l’IIW et concerne aussi les bassins versants proches. Les communes de la Lys le savent très bien.
C’est pourquoi, dès son élection, Jean-Claude Dissaux, conseiller général, maire d’Aire sur la Lys et président du SAGE, a mis en place la conférence des quatre présidents avec ses collègues ci-dessus nommés afin de traiter, sinon de résoudre, les problèmes dans leur globalité … en évitant que chacun fasse sa « cuisine » dans son coin, sans se préoccuper de ses voisins.
En ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, l’esprit de clocher doit s’effacer devant la nécessaire solidarité des territoires. C’est la seule réponse cohérente et … SAGE !
(Ndlr. S.A.G.E. : Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux)
merci à jp papineau et sonéquipe pour ce compte rendu