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A Poznan, l’accord européen est arrivé trop tard
La conférence de Poznan s’est soldée par un mandat clair pour négocier en 2009 les futurs accords de Copenhague sur le climat. Mais l’accord européen a été conclu trop tard pour influencer véritablement les débats « Ni rupture, ni dynamique », conclut laconique Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’écologie, à l’issue des deux semaines de conférence des Nations unies sur le climat qui ont mobilisé 12 000 délégués de 190 pays à Poznan, en Pologne.
Il est vrai que Poznan était un rendez-vous « ingrat », une simple étape dans le calendrier onusien, alors même que les opinions publiques pouvaient s’estimer en droit d’attendre des engagements à la hauteur du problème planétaire. « On ne négociait pas un texte, mais les chances de réussir Copenhague », poursuit Nathalie Kosciusko-Morizet. Car Copenhague, en décembre 2009, sera le grand rendez-vous de la planète au chevet du climat pour donner un avenir au protocole de Kyoto qui s’achève en 2012.
L’accueil du « paquet climat-énergie » européen
Comme un invité trop longtemps attendu dont on ne goûte plus la présence, le « paquet climat-énergie » européen fut une bonne nouvelle trop tardive. Bien sûr, celle-ci a été saluée in extremis, à quelques heures de la clôture à Poznan.
Mais cela n’a pas empêché que cette conférence a navigué à vue, entre un leadership européen mis entre parenthèses et une Amérique encore absente, et a suscité une immense frustration parmi les pays en développement, les promesses financières étant, une fois de plus, reportées à des lendemains meilleurs. Poznan fut de ce point de vue un rendez-vous manqué. « Il va falloir recoller les morceaux dans les mois à venir », s’inquiète Karim Haris, de l’ONG Oxfam.
« Il faut bien dire que cette conférence a causé une certaine amertume », a reconnu Yvo de Boer, secrétaire de l’ONU sur les changements climatiques.
À l’applaudimètre, Al Gore a volé la vedette à l’Union européenne. Le prix Nobel de la paix américain a reconnu que les progrès étaient « douloureusement lents » mais estimé qu’il y avait motif d’espérer aujourd’hui et a, en ce sens, promis au nom de la future équipe présidentielle de Barack Obama que les États-Unis seraient au rendez-vous de Copenhague.
Le bilan de Poznan
Poznan a adopté un calendrier et un mandat clair de négociation pour l’année 2009. Le texte de base du futur protocole de Copenhague devra être prêt en juin. « On peut remercier les pays en développement d’avoir accepté ces mandats », a insisté Sigmar Gabriel, ministre allemand de l’environnement, alors que les pays développés ont tergiversé sur leurs objectifs et ont, en ce sens, marqué un recul par rapport aux positions prises à Bali l’année précédente.
Autres avancées modestes de Poznan, les pays les plus démunis ont « arraché » l’autorisation d’accéder directement au fonds d’adaptation – créé par le protocole de Kyoto et qui devrait devenir opérationnel en 2009 – sans transiter par les fourches caudines de la Banque mondiale.
Et la question de la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD), jusqu’ici restée en marge des négociations, devrait faire partie des engagements de Copenhague. Dix-huit pays en développement et industrialisés ont signé une déclaration commune en ce sens.
La brûlante question du financement
Pas un sou ni un mécanisme financier ne sont sortis de Poznan. Marthinus Van Schalkwyk, ministre sud-africain de l’environnement, a stigmatisé le « silence assourdissant » des pays développés, alors même que plusieurs propositions ont été versées au pot des discussions pour alimenter un fonds mondial de plusieurs milliards d’euros chaque année.
Ainsi, le Mexique a proposé une grille de lecture équitable de la participation des pays qui a le mérite de sortir du clivage pays industrialisés et pays en développement. La Norvège a suggéré que les pays soumis à quotas d’émissions voient 2 % de leurs droits à polluer mis aux enchères.
La Suisse, elle, préconise une taxe de deux dollars sur toutes les émissions de tous les pays dont les émissions sont supérieures à 1,5 tonne de CO2 par habitant. La Chine, en leader du G77 (1), défend l’idée d’un financement par les seuls pays industrialisés à hauteur de 0,5 ou 1 % de leur PIB.
Faute de prises de position officielles, ces propositions sont restées à l’état brut, sans que la discussion avance dans l’une ou l’autre direction. De son côté, l’Union européenne décidera lors d’un Conseil en mars prochain la part des recettes des quotas de CO2 mis aux enchères à compter de 2013 qu’elle compte réserver à l’aide aux pays en développement. Seule l’Allemagne s’est déjà engagée et disposera de 600 millions d’euros en 2013.
En attendant, à Poznan, même les suggestions pour étendre la seule taxe prélevée sur les mécanismes de développement propres (MDP) – ces investissements dans la technologie sobre en CO2 dans les pays du Sud – ont tourné court. Il ne reste donc pour l’instant que ces fonds dérisoires et encore virtuels issus des 2 % prélevés sur les MDP, quelques dizaines de millions d’euros devant enfin pouvoir être utilisés l’an prochain. « La coopération Nord-Sud est restée bloquée », a déploré l’expert Pierre Radanne.
Les bonnes nouvelles des pays en développement
Le « groupe des cinq » pays émergents – Mexique, Brésil, Afrique du Sud, Corée du Sud et Chine – constitue la nouvelle force politique montante, car tous ont changé de posture et se veulent dorénavant pro-actifs dans les négociations.
« On veut montrer que les pays en développement peuvent prendre leur part dans la lutte contre le changement climatique », revendique Carlos Minc, ministre de l’environnement du Brésil, son pays ayant adopté le 1er décembre dernier son plan climat. Le Mexique, lui aussi, « veut agir ». Le pays s’est fixé un cap de baisse de ses émissions de 10 % d’ici à 2012 et de 50 % d’ici à 2050.
« Grâce au G5, on devrait pouvoir proposer un catalogue de mesures montrant la diversité des moyens pour diminuer les émissions pour les pays en développement », précise Fernando Tudela, vice-ministre de l’environnement.
Un avenir encore à écrire
On voit mal comment, en quelques mois, les seuls pays industrialisés pourraient converger sur l’objectif de réduction des émissions de 25 à 40 % d’ici à 2020 par rapport à 1990, fourchette préconisée par les scientifiques du Giec, le groupe intergouvernemental d’étude sur le climat.
Seule l’Europe se fixe politiquement un tel cap, même si elle n’a pas encore atteint sa baisse de 8 % promise dans le cadre dudit protocole. Ce cap est inacceptable en ces termes pour les pays dits « de l’ombrelle » (Australie, Japon, Canada, Nouvelle-Zélande, etc.).
Et l’on voit mal comment les États-Unis, aujourd’hui désireux d’intégrer les négociations, pourraient se rallier à cet objectif, dans la mesure où leurs émissions ont dérapé d’environ 15 % depuis 1990…
Marie VERDIER (1) Groupe de 77 pays en développement formé au sein des Nations unies