Suite à un interview avec Mme Bérangère Barret
Le réchauffement climatique, et surtout la montée du niveau de la mer en partie liée à la fonte des glaces de l’Arctique, devraient avoir des conséquences directes sur la région. Notamment la submersion de certaines zones...
BÉRANGÈRE BARRET
berangere.barret@nordeclair.fr
Nous sommes en 2100. Les bateaux croisent au large de l’Arctique : depuis des années déjà les glaces nordiques ne sont plus un obstacle pour livrer les marchandises. La calotte glaciaire du Groenland a fondu à cause des émissions de gaz à effet de serre, participant à l’augmentation du niveau de la mer. Un mètre de plus. Des zones entières du Nord - Pas-de-Calais ont été évacuées depuis des années, des terres autrefois habitées sont rendues à la mer. Surtout dans cette zone vulnérable du delta de l’Aa, ce triangle compris entre Calais, Saint-Omer et Dunkerque... De leur côté, les Néerlandais, particulièrement touchés aussi par cette montée des océans, se retrouvent plus protégés : depuis ces temps reculés du début du millénaire, en 2008 déjà, ils travaillaient à protéger leurs ports par des digues flottantes, innovantes à l’époque
Scénario catastrophe ? Non, plutôt « probable » selon les scientifiques. Car si jusqu’ici les plus pessimistes prévoyaient une hausse du niveau de la mer de 0,59 mètre, l’observation d’une accélération de la fonte des glaces de l’Arctique, traduisant une accélération du changement climatique, fait dire à certains experts que la mer devrait monter d’au moins 1 mètre d’ici à 2100. Ce qui pose un problème direct dans le Nord - Pas-de-Calais, surtout sur le territoire des Wateringues, ces 85 000 hectares du delta de l’Aa conquis sur l’eau grâce à des systèmes de pompage.
Inonder des zones pour en sauver d’autres
C’est Jean Schepman, conseiller général du Nord et président de l’institution des Wateringues, qui en parle le mieux. « Nous avons travaillé sur une probabilité d’augmentation du niveau de la mer de 30 cm. Cette hypothèse-là nous conforte dans l’idée qu’il faut être vigilant pour notre zone, mais avec de bonnes pompes et du nouveau matériel, on peut sauver le territoire. Mais avec un mètre d’augmentation du niveau de la mer, non. » Autrement dit, des zones entières seront sacrifiées. La mer sera trop haute, les eaux pompées ne pourront plus être évacuées convenablement: «On peut imaginer que nous déciderons de laisser déborder certains canaux», laisser des zones s’inonder pour en sauver d’autres.
C’est d’ailleurs ce qui se fait déjà aux Pays-Bas, où des polders sont recréés après évacuation définitive d’habitations. On est loin cependant de ce genre de décision en France, alors même que Jean Schepman le dit : s’il en avait le pouvoir, il refuserait le permis de construire dans certaines « zones basses » comprises dans le triangle Calais-Saint-Omer-Dunkerque, situées - pour le moment en tout cas - à 2,50 mètres en-dessous du niveau de la mer. La construction de lotissements sur ces « terres » est malhonnête selon lui pour les futurs propriétaires, qui risquent de devoir évacuer dans quelques dizaines d’années...
« Je tire la sonnette d’alarme, clame le conseiller général. On va se battre, mais il est grand temps de s’y mettre. » Un appel du pied à l’État, qui est selon lui seul à même d’engager les travaux nécessaires pour protéger à long terme le littoral et limiter les dégâts dans les Wateringues.
Et si les Néerlandais ont déjà engagé, pour protéger leurs ports et littoraux, un plan de travaux jusqu’à 2100, l’État français en est, lui, à « lancer une réflexion », s’insurge Jean Schepman. Alors même que « nos digues sont obsolètes, et qu’on ne saura pas répondre à une montée des eaux ». Pessimiste Jean Schepman ? Non, dit-il, il veut juste « trouver le moyen de continuer à faire vivre » son territoire qu’il « aime tant ». •