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7 octobre 2009 3 07 /10 /octobre /2009 10:07

Philippe ADNOT

Sénateur

Président du Conseil général de l’Aube

Paris le 1

er octobre 2009

Cher(e) Collègue,

Sénateur, président non-inscrit du Conseil général de l’Aube depuis 1990, membre de la majorité

présidentielle, j’ai tenu, lors du dernier Congrès annuel de l’Assemblée des Départements de France, à

exprimer mon désaccord avec le projet de loi sur la réforme territoriale et avec la décision de suppression

de la taxe professionnelle.


Il est parfaitement normal de faire évoluer les lois et règlements. Pour autant, le titre de « réforme » ne

vaut pas label de qualité et je souhaite, à cet égard, vous faire part de mon analyse critique et des

suggestions alternatives possibles.

I. La réforme de la taxe professionnelle

Chacun connaît les travers de cette taxe, qui au gré des changements, est devenue portion congrue car

elle est, à 50% minimum, bloquée par le plafond de valeur ajoutée.

L’impôt économique est, cependant, juste et nécessaire. Pour fonctionner, les entreprises ont besoin de

nos investissements (routes, zones d’activité, équipements collectifs, etc.).

Ce qui pourrait être remis en cause, dans le mécanisme actuel, c’est le calcul des bases (qui ne prend

pas en compte les amortissements) et donc le ciblage centré, presque exclusivement, sur des entreprises

manufacturières et industrielles, alors que des activités de service à forte valeur ajoutée échappent à

l’impôt.

On aurait parfaitement pu réformer la TP sans la supprimer. Ce n’est pas le choix qui a été fait, dont acte.

Je le regrette car le Gouvernement profite de cette occasion pour réduire l’autonomie fiscale des

collectivités locales et particulièrement celle des départements. La capacité de faire évoluer l’impôt local

en base et en taux est essentielle pour les collectivités locales et indissociable du concept même de

décentralisation.

On aurait pu explorer d’autres pistes :

1/ faire en sorte que la nouvelle cotisation économique territoriale compense pleinement la taxe

professionnelle (cette dernière, en effet, n’a jamais été la cause du manque de compétitivité des

entreprises ou de leur délocalisation, c’est le coût du travail par le biais des charges sociales qui reste en

cause).

2/ dans le cadre du Grenelle de l’environnement, on aurait pu rétablir la vignette automobile

via

une taxe modeste (de 20€ en moyenne par véhicule), qu’il aurait été facile de légitimer, les voitures

ayant, par définition, besoin de routes : avec 40 millions de véhicules, ce sont ainsi près de 800 millions

d’€ qui auraient pu être collectés.

3/ toutes les activités économiques se doivent de participer au financement collectif (l’agriculture

aussi). Le rétablissement de la taxe sur le Foncier Non Bâti, à faible taux, serait juste, en partant de la

valeur locative réelle.

4/ pour limiter les excès, à la hausse comme à la baisse, il est possible d’encadrer les taux à plus

ou moins 20% par rapport au taux pivot. Il serait possible, dans ce cas, de diminuer les dotations que

reçoivent ceux qui ne s’imposent pas. Cela donnerait de la marge pour la péréquation. Ceci pourrait être

valable pour tous les impôts des collectivités locales.

II. La clause de compétence générale

Cette clause est la seule solution pour appliquer des politiques différentes dans des territoires qui

ont des problématiques différentes.

 

III. L’élu territorial

Il y a trop d’élus, cela coûte trop cher ! Voilà les attendus qui justifient la réforme.

- franchement, diminuer de moins de 1% le nombre d’élus au détriment du seul département

restera anecdotique.

- diminuer d’un tiers le nombre de conseillers généraux, et, ce faisant,

augmenter de 50% la

charge de travail par conseiller général et rendre difficile la présence de ses membres au sein des

conseils d’administration des collèges, des maisons de retraite, des MDPH, etc. me semble

inapproprié.

D’autant plus que, dans le même temps, notre Conseil régional par exemple, passerait de

50 élus à une centaine. Il n’y aura donc aucune économie, mais, au contraire, une explosion de

dépenses.

Certains élus pensent s’en tirer mieux que d’autres et se réjouissent peut-être déjà à l’idée d’occuper les

deux fonctions, régionale et départementale. Qu’ils se détrompent, voici par exemple, la situation dans

mon département.

L’Aube compte 300 000 habitants.

- Ses 33 conseillers généraux seraient ramenés à 19 ou 21. Exit 12 ou 14 conseillers généraux,

auxquels il faudra ajouter la part réservée pour la proportionnelle (4 à 6).

- il en resterait donc 13 à 15, qui, naturellement, se trouveraient face aux 11 conseillers régionaux

actuels qui n’auront aucune raison de ne pas vouloir le rester. Alors combien d’anciens conseillers

généraux ?

Qu’ont donc fait les conseillers généraux pour mériter une telle punition ? C’est pourtant leur assemblée

qui a reçu les plus grands transferts dans le cadre de la décentralisation.

Nous sommes en train d’intégrer les routes nationales, l’équipement, bientôt les parcs, les handicapés,

les tutelles, le RSA, les TOS. Le nombre d’agents a doublé, nous sommes parties prenantes du plan de

relance de l’économie…Que feront les conseillers régionaux qui vont se retrouver dans des assemblées

pléthoriques avec peu de missions ? Etait-ce utile de doubler leur nombre et de doubler tous les

hémicycles ?...

Chacun sait où se trouve le trop plein d’élus, s’il existe. Certains exécutifs d’intercommunalité peuvent

compter jusqu’à 100 élus pour des populations assez faibles. Alors pourquoi s’acharner sur les

assemblées départementales ?

 

Il aurait été plus simple de proposer une diminution de 10% des effectifs d’élus, par exemple, pour

la totalité des assemblées et des exécutifs, ce qui, au lieu des 3000 conseillers généraux visés,

représenterait une baisse de 50 000 élus sans aucun dommage.

Si on avait voulu mieux imbriquer les fonctions des conseillers généraux et des conseillers régionaux (ce

qui pour moi est discutable, dans la mesure où, nous n’avons que 6% d’actions en commun), il aurait été

très simple de garder le système actuel des Régions et d’y adjoindre 15% des conseillers généraux

désignés à la proportionnelle.

Voilà, Cher(e) Collègue, les raisons qui m’ont conduit à intervenir lors du Congrès de l’ADF.

Je ne

voulais pas laisser à penser que cette réforme n’était qu’un duel droite/gauche

. Je considère la

situation grave, car c’est l’avenir des Départements qui est en cause et notre capacité à développer nos

territoires. Derrière cet ensemble, pointe le nez de tous ceux qui n’ont jamais admis l’autonomie de

gestion des collectivités locales, de tous ceux qui rêvent de remplacer la centralisation parisienne par une

centralisation régionale et de tous ceux qui voudront transformer les Conseils généraux en exécutants de

politiques décidées ailleurs.

Je considère qu’il est possible de réagir avant l’examen de ce texte par le Sénat. Il vous appartient de

prendre la mesure de ce qui se passe et d’agir auprès de vos parlementaires.

Pour faciliter nos échanges, je vous invite à me répondre soit par lettre, soit par courriel. N’hésitez pas à

me faire connaître votre opinion en écrivant à l’une ou l’autre des adresses suivantes :

Conseil général : 2 rue Pierre Labonde BP 394 10026 TROYES CEDEX

ou

Sénat : Palais du Luxembourg 15 rue de Vaugirard 75291 PARIS CEDEX 06

ou par mail :

 

philippe.adnot@cg10.fr ou p.adnot@senat.fr

Ensemble, nous pouvons encore faire changer ce texte.

Amicalement.

Philippe ADNOT

Nous connaissons tous des exemples originaux qui prouvent le

bien fondé de la décentralisation et la capacité d’initiative de nos départements.

En réduisant notre périmètre d’action, c’est par exemple, tout le travail en direction de l’innovation, de la

recherche pour favoriser le développement des entreprises qui est mis en cause, ainsi que nos politiques

d’appui en direction des communes et donc, notre action de solidarité.

Bien entendu, le Gouvernement se réserve la possibilité de nous demander de cofinancer des actions

qui, à présent, relèvent de sa seule compétence. Il aurait été plus sensé de faire référence à l’obligation

de respecter le principe de subsidiarité.

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