Philippe ADNOT
Sénateur
Président du Conseil général de l’Aube
Paris le 1
er octobre 2009
Cher(e) Collègue,
Sénateur, président non-inscrit du Conseil général de l’Aube depuis 1990, membre de la majorité
présidentielle, j’ai tenu, lors du dernier Congrès annuel de l’Assemblée des Départements de France, à
exprimer mon désaccord avec le projet de loi sur la réforme territoriale et avec la décision de suppression
de la taxe professionnelle.
Il est parfaitement normal de faire évoluer les lois et règlements. Pour autant, le titre de « réforme » ne
vaut pas label de qualité et je souhaite, à cet égard, vous faire part de mon analyse critique et des
suggestions alternatives possibles.
I. La réforme de la taxe professionnelle
Chacun connaît les travers de cette taxe, qui au gré des changements, est devenue portion congrue car
elle est, à 50% minimum, bloquée par le plafond de valeur ajoutée.
L’impôt économique est, cependant, juste et nécessaire. Pour fonctionner, les entreprises ont besoin de
nos investissements (routes, zones d’activité, équipements collectifs, etc.).
Ce qui pourrait être remis en cause, dans le mécanisme actuel, c’est le calcul des bases (qui ne prend
pas en compte les amortissements) et donc le ciblage centré, presque exclusivement, sur des entreprises
manufacturières et industrielles, alors que des activités de service à forte valeur ajoutée échappent à
l’impôt.
On aurait parfaitement pu réformer la TP sans la supprimer. Ce n’est pas le choix qui a été fait, dont acte.
Je le regrette car le Gouvernement profite de cette occasion pour réduire l’autonomie fiscale des
collectivités locales et particulièrement celle des départements. La capacité de faire évoluer l’impôt local
en base et en taux est essentielle pour les collectivités locales et indissociable du concept même de
décentralisation.
On aurait pu explorer d’autres pistes :
1/ faire en sorte que la nouvelle cotisation économique territoriale compense pleinement la taxe
professionnelle (cette dernière, en effet, n’a jamais été la cause du manque de compétitivité des
entreprises ou de leur délocalisation, c’est le coût du travail par le biais des charges sociales qui reste en
cause).
2/ dans le cadre du Grenelle de l’environnement, on aurait pu rétablir la vignette automobile
via
une taxe modeste (de 20€ en moyenne par véhicule), qu’il aurait été facile de légitimer, les voitures
ayant, par définition, besoin de routes : avec 40 millions de véhicules, ce sont ainsi près de 800 millions
d’€ qui auraient pu être collectés.
3/ toutes les activités économiques se doivent de participer au financement collectif (l’agriculture
aussi). Le rétablissement de la taxe sur le Foncier Non Bâti, à faible taux, serait juste, en partant de la
valeur locative réelle.
4/ pour limiter les excès, à la hausse comme à la baisse, il est possible d’encadrer les taux à plus
ou moins 20% par rapport au taux pivot. Il serait possible, dans ce cas, de diminuer les dotations que
reçoivent ceux qui ne s’imposent pas. Cela donnerait de la marge pour la péréquation. Ceci pourrait être
valable pour tous les impôts des collectivités locales.
II. La clause de compétence générale
Cette clause est la seule solution pour appliquer des politiques différentes dans des territoires qui
ont des problématiques différentes.
III. L’élu territorial
Il y a trop d’élus, cela coûte trop cher ! Voilà les attendus qui justifient la réforme.
- franchement, diminuer de moins de 1% le nombre d’élus au détriment du seul département
restera anecdotique.
- diminuer d’un tiers le nombre de conseillers généraux, et, ce faisant,
augmenter de 50% la
charge de travail par conseiller général et rendre difficile la présence de ses membres au sein des
conseils d’administration des collèges, des maisons de retraite, des MDPH, etc. me semble
inapproprié.
D’autant plus que, dans le même temps, notre Conseil régional par exemple, passerait de 50 élus à une centaine. Il n’y aura donc aucune économie, mais, au contraire, une explosion de
dépenses.
Certains élus pensent s’en tirer mieux que d’autres et se réjouissent peut-être déjà à l’idée d’occuper les
deux fonctions, régionale et départementale. Qu’ils se détrompent, voici par exemple, la situation dans
mon département.
L’Aube compte 300 000 habitants.
- Ses 33 conseillers généraux seraient ramenés à 19 ou 21. Exit 12 ou 14 conseillers généraux,
auxquels il faudra ajouter la part réservée pour la proportionnelle (4 à 6).
- il en resterait donc 13 à 15, qui, naturellement, se trouveraient face aux 11 conseillers régionaux
actuels qui n’auront aucune raison de ne pas vouloir le rester. Alors combien d’anciens conseillers
généraux ?
Qu’ont donc fait les conseillers généraux pour mériter une telle punition ? C’est pourtant leur assemblée
qui a reçu les plus grands transferts dans le cadre de la décentralisation.
Nous sommes en train d’intégrer les routes nationales, l’équipement, bientôt les parcs, les handicapés,
les tutelles, le RSA, les TOS. Le nombre d’agents a doublé, nous sommes parties prenantes du plan de
relance de l’économie…Que feront les conseillers régionaux qui vont se retrouver dans des assemblées
pléthoriques avec peu de missions ? Etait-ce utile de doubler leur nombre et de doubler tous les
hémicycles ?...
Chacun sait où se trouve le trop plein d’élus, s’il existe. Certains exécutifs d’intercommunalité peuvent
compter jusqu’à 100 élus pour des populations assez faibles. Alors pourquoi s’acharner sur les
assemblées départementales ?
Il aurait été plus simple de proposer une diminution de 10% des effectifs d’élus, par exemple, pour
la totalité des assemblées et des exécutifs, ce qui, au lieu des 3000 conseillers généraux visés,
représenterait une baisse de 50 000 élus sans aucun dommage.
Si on avait voulu mieux imbriquer les fonctions des conseillers généraux et des conseillers régionaux (ce
qui pour moi est discutable, dans la mesure où, nous n’avons que 6% d’actions en commun), il aurait été
très simple de garder le système actuel des Régions et d’y adjoindre 15% des conseillers généraux
désignés à la proportionnelle.
Voilà, Cher(e) Collègue, les raisons qui m’ont conduit à intervenir lors du Congrès de l’ADF.
Je ne
voulais pas laisser à penser que cette réforme n’était qu’un duel droite/gauche
. Je considère la situation grave, car c’est l’avenir des Départements qui est en cause et notre capacité à développer nos
territoires. Derrière cet ensemble, pointe le nez de tous ceux qui n’ont jamais admis l’autonomie de
gestion des collectivités locales, de tous ceux qui rêvent de remplacer la centralisation parisienne par une
centralisation régionale et de tous ceux qui voudront transformer les Conseils généraux en exécutants de
politiques décidées ailleurs.
Je considère qu’il est possible de réagir avant l’examen de ce texte par le Sénat. Il vous appartient de
prendre la mesure de ce qui se passe et d’agir auprès de vos parlementaires.
Pour faciliter nos échanges, je vous invite à me répondre soit par lettre, soit par courriel. N’hésitez pas à
me faire connaître votre opinion en écrivant à l’une ou l’autre des adresses suivantes :
Conseil général : 2 rue Pierre Labonde BP 394 10026 TROYES CEDEX
ou
Sénat : Palais du Luxembourg 15 rue de Vaugirard 75291 PARIS CEDEX 06
ou par mail :
philippe.adnot@cg10.fr ou p.adnot@senat.fr
Ensemble, nous pouvons encore faire changer ce texte.
Amicalement.
Philippe ADNOT
Nous connaissons tous des exemples originaux qui prouvent le bien fondé de la décentralisation et la capacité d’initiative de nos départements.
En réduisant notre périmètre d’action, c’est par exemple, tout le travail en direction de l’innovation, de la
recherche pour favoriser le développement des entreprises qui est mis en cause, ainsi que nos politiques
d’appui en direction des communes et donc, notre action de solidarité.
Bien entendu, le Gouvernement se réserve la possibilité de nous demander de cofinancer des actions
qui, à présent, relèvent de sa seule compétence. Il aurait été plus sensé de faire référence à l’obligation
de respecter le principe de subsidiarité.