L’UMP vert de rage contre Kosciusko
Un Président mécontent, un Premier ministre exaspéré, une
«cohésion gouvernementale» de nouveau en charpie, un groupe UMP aussi publiquement
«meurtri» que secrètement ravi : hier, Nathalie Kosciuko-Morizet a déchaîné contre elle le ban et l’arrière-ban de la majorité pour avoir traité de
«lâches» son ministre de tutelle, Jean-Louis Borloo, et le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé.
C’est que la secrétaire d’Etat à l’Ecologie a réglé un peu cavalièrement leurs comptes à ceux qui veulent lui faire porter le chapeau des couacs à répétition sur son projet de loi OGM. Mardi soir, elle confie au Monde son ras-le-bol : «J’en ai marre d’être confrontée à une armée de lâches. Il y a un concours de lâcheté et d’inélégance entre Jean-François Copé [...] et Jean-Louis Borloo […]. J’attends avec impatience qu’il vienne exprimer la "parole unique" du gouvernement dans l’hémicycle. Quand il veut, il vient.» Sitôt cette lecture achevée, Nicolas Sarkozy somme son Premier ministre de remettre la dame au pas : «Soit elle s’excuse, soit elle est virée», lui dit-il en substance au cours d’un court entretien en présence de Jean-Louis Borloo et du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. Fillon s’exécute. Par téléphone, il exige de NKM, surnom de sa secrétaire d’Etat, qu’elle s’excuse publiquement avant 16 heures et le vote solennel sur le texte OGM. Au passage, il lui interdit de mettre les pieds à l’Assemblée, et lui signifie qu’il ne désire pas qu’elle soit de son voyage officiel au Japon aujourd’hui et demain. Le Premier ministre file ensuite à l’Assemblée où les députés UMP ne parlent plus que de l’affaire. Quand il arrive, la curée a commencé.
Rabrouer. Depuis l’adoption dans la nuit du 2 au 3 avril de l’amendement d’André Chassaigne (PCF) visant à protéger «les zones de productions de qualité sans OGM», (lire page 4) la majorité ne passe plus rien à la secrétaire d’Etat : seule au banc du gouvernement cette nuit-là, n’ayant d’instruction ni de Matignon ni de son ministre de tutelle, elle s’en était remise à la «sagesse» de l’Assemblée, autorisant implicitement un vote favorable. «C’est la première fois que le gouvernement n’a pas soutenu sa majorité», fulmine le vice-président du groupe UMP, Jean Leonetti.
Lundi, vers 1 heure du matin, nouvel incident : contre l’avis du rapporteur UMP, elle donne un avis favorable du gouvernement sur un amendement du député Grosdidier, un des rares UMP peu favorable aux OGM, qu’elle juge «conforme à l’esprit du Grenelle». Aussitôt, elle se fait rabrouer par le président UMP de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, qui «demande à ses collègues de la majorité de voter contre cet amendement». Il sera finalement repoussé de peu.
Mardi soir, autre incident, cette fois sur l’absentéisme des députés UMP. Philippe Martin, député PS du Gers, se taille un joli succès en lisant en séance un mail qu’il a reçu alors qu’il était destiné à son homonyme UMP de la Marne : «Il n’y a pas assez de députés UMP sur les bancs. Aussi pourriez-vous svp prier vos députés de se rendre dans l’hémicycle dans la mesure du possible?» Présent, Copé a ri jaune.
«Déformés». Pour le chef de file des députés UMP, le dérapage de NKM tombe alors à pic. «Les propos de la secrétaire d’Etat m’ont profondément attristé à titre personnel et pour mes amis députés» , a surjoué hier Copé. Autour de lui, le groupe serre les rangs : «On n’est pas obligé d’accepter de se faire traiter de lâches après s’être fait traiter d’imbéciles [par Attali, ndlr]», s’emporte le député de Paris Claude Goasguen. En écho, des demandes de «démission» fusent. «Avec Chirac, ça aurait été réglé en 15 minutes. Avec Sarko, on ne peut pas savoir» , glisse un élu. François Fillon rassure son monde et promet des excuses, «sinon, il en tirera toutes les conséquences». Le groupe applaudit : le texte OGM est sauf.
Un communiqué de Nathalie Kosciusko-Morizet donne bientôt raison à Fillon : elle présente ses excuses à Jean-François Copé et Jean-Louis Borloo et prétend que ses propos ont été «déformés». «Je suis à la disposition du groupe parlementaire pour m’expliquer et lui témoigner ma solidarité», ajoute-t-elle. Il est 16 heures. Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, juge «l’incident clos». Peu après, au siège de la rue La Boétie, Kosciusko-Morizet réitère ses excuses devant le bureau politique de l’UMP. Lequel valide sa promotion à la tête du parti présidentiel aux cotés de Patrick Devedjian. Comme si de rien n’était ?